Le 29 septembre 2003, l'ouragan Juan a frappé la Nouvelle-Écosse avec une force qui n'a pas seulement changé le paysage dans la province, mais qui a aussi remodelé ma vie pour toujours. Assis dans mon salon sombre de Dartmouth, en attendant le retour de l'électricité, je me suis posé des questions difficiles.
Y aurait-il assez de nourriture en Nouvelle-Écosse si nous étions tous.tes coupé.e.s du reste du monde pendant quelques semaines, voire quelques jours ? La réponse est non ; nous avons environ 3 jours de nourriture.
Quelle quantité de notre nourriture est produite localement et combien de fermes avons-nous en Nouvelle-Écosse ? Pas assez : près de 90 % de notre nourriture vient de loin. (C'est un modèle terrible pour faire face à toute crise alimentaire, en particulier une pandémie.)
Quel genre de nourriture produisons-nous et mangeons-nous ? Est-ce sain pour l'environnement et pour nous ? De toute évidence, non. La production alimentaire industrielle tue notre planète, et la chaîne alimentaire industrielle nous tue.
Comment des événements météorologiques plus extrêmes, comme l'ouragan Juan, vont-ils affecter les agriculteur.rice.s et la sécurité alimentaire alors que la crise climatique s'aggrave ? Pour moi, ce fut un réveil brutal - et une révélation.
Six mois plus tard, le restaurant The Wooden Monkey est né pour contribuer à ce changement. Nous nous approvisionnons auprès de fermes et de producteur.rice.s locaux.ales et biologiques en Nouvelle-Écosse.
Les changements climatiques sont devenues, pour moi, le problème que je ne pouvais plus ignorer, le problème qui me préoccupait tout le temps. Je suis devenue une Ambassadrice de la réalité climatique, formée par Al Gore pour faire des présentations sur les changements climatiques et l'agriculture.
Pendant des années, à chaque occasion, j'ai exhorté les gens et les gouvernements à réaliser que ce n'est pas seulement le pétrole qui doit mourir, mais aussi l'agriculture industrielle. Les petites exploitations agricoles durables peuvent séquestrer le carbone et nous nourrir. Et oui, « nous pouvons manger pour sortir de la crise climatique ». (Ça a aussi meilleur goût !)
Puis, est arrivé la COVID-19.
Ne vous y trompez pas, c'est une autre crise liée à la façon dont nous produisons notre nourriture. Ne vous laissez pas berner par l'idée que de telles pandémies peuvent être imputées à un marché unique en Chine ou ailleurs sur la planète. Il est de plus en plus évident que ces virus et les pandémies qu'ils provoquent sont le résultat de la destruction généralisée des habitats et de la dégradation de l'environnement, causée en grande partie par l'agriculture et l'élevage industriels. Le bachotage de milliers d'animaux en milieu fermé, sur terre ou en mer, est un terrain propice aux maladies.
Cela doit être un tournant, et malgré les difficultés et la mort que le SARs-CoV-2 cause dans le monde entier, cette pandémie met en lumière ce que nous faisons de mal. Nous pouvons y remédier !
Je ne suis pas la première à le dire, et j'espère ne pas être la dernière : nous devons repenser, repenser et reconstruire notre système alimentaire... MAINTENANT.
Comment faire ?
La réponse est locale. Chaque école, chaque institution, chaque municipalité, chaque communauté, chaque province, chaque pays peut se joindre à nous et contribuer à la révolution alimentaire.
Cela signifie promouvoir l'agriculture urbaine et les marchés de producteur.rice.s ; les gouvernements et les citoyen.ne.s qui investissent dans l'agriculture locale et soutiennent les agriculteur.rice.s et les producteur.rice.s de semences locaux ; la transformation locale ; et une plus grande sensibilisation à l'immense valeur des aliments sains et locaux et des chaînes alimentaires.
Les possibilités sont immenses et infinies.
Lorsque nous commençons à cultiver et à manger nos propres aliments, nous nourrissons nos familles, l'économie locale prospère, les pollinisateurs s'épanouissent, les sols s'enrichissent et séquestrent encore plus de carbone, les déserts alimentaires disparaissent et le droit à l'alimentation devient enfin une réalité !
Il ne s'agit pas d'un simple vœu pieux. Dans son livre The Local Economy Solution, Michael Shuman souligne que si seulement 20 % de la nourriture consommée par les habitant.e.s de la ville de Detroit était locale, cela générerait 20 millions de dollars supplémentaires en taxes professionnelles et créerait 4 700 nouveaux emplois.
Imaginez les possibilités et le potentiel si ce pourcentage de nourriture locale était encore plus élevé.
Selon l'Alliance for Healthy Food and Farming en Ontario, l'effet multiplicateur de l'achat de produits alimentaires locaux est énorme. L'Alliance estime que si chaque ménage de l'Ontario dépensait seulement 10 dollars par semaine pour acheter des produits alimentaires locaux, cela injecterait 2,4 milliards de dollars supplémentaires dans l'économie locale en un an et créerait 10 000 nouveaux emplois. Ce sont des chiffres importants.
Personne ne sait combien de temps durera la crise de la COVID-19, mais cette nouvelle orientation dans notre façon de nous nourrir apportera la santé à chaque créature vivante sur cette terre.
La prochaine décennie permettra de bien nourrir le monde et pourrait éventuellement mettre fin à la faim dans le monde. Ne serait-ce pas merveilleux ?