Le Québec s’est doté de cibles de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) ambitieuses pour 2030 et 2050. Puisque la production d’électricité dans la province est déjà presque complètement décarbonisée, les émissions de GES proviennent essentiellement de quatre grands secteurs : le transport, l’industrie, les bâtiments et l’agriculture.
Pour le transport, les bâtiments et l’agriculture, les émissions sont essentiellement liées aux styles de vie et à des choix logistiques (modes de transport, habitudes alimentaires et types de bâtiment). Très peu de création de richesse est directement associée à ces GES, essentiellement issus de la combustion d’énergie fossile. Cependant, dans les secteurs industriels, la dynamique est toute autre : les émissions de combustion et de procédés sont intimement liées à la productivité et à la création de valeur.
Dans une large mesure, réduire les émissions de 37,5% en 2030 et d’au moins 80% en 2050, sous le niveau de 1990, implique des reconfigurations industrielles beaucoup plus fondamentales que dans les trois autres secteurs. En effet, si la voiture électrique, une meilleure isolation et une alimentation davantage végétarienne sont des choix qui peuvent être faits rapidement, trouver de nouveaux procédés pour fabriquer de l’aluminium ou du ciment est loin de n’être qu’une question d’habitude.
Le défi des émissions industrielles au Québec est d’autant plus important que celles-ci sont proportionnellement plus importantes que dans le reste du Canada et dans le monde. Ainsi, 20,1% des émissions québécoises proviennent des industries manufacturières et des procédés industriels, alors que cette proportion n’est que de 10% au Canada (ECCC, 2017). En incluant aussi l’industrie des déchets, ce sont 34% des émissions québécoises qui sont issues du secteur industriel. De plus, ces émissions industrielles ont déjà décru de 25,4% entre 1990 et 2015 au Québec, alors que le reste des émissions a cru de 7,4%. Il est donc impératif, pour l’économie du Québec et la création de richesse dans la province, de comprendre comment la transformation de ses industries peut mener à une réduction des émissions de GES tout en maintenant la croissance économique de la province issue du secteur industriel.
C’est dans ce contexte qu’une équipe composée de chercheurs associés à l’Institut EDDEC (environnement, développement durable économie circulaire) et au CTTEI (Centre de transfert technologique en écologie industrielle) vient tout juste de démarrer un important projet de recherche transdisciplinaire, le premier du genre au Canada. Sous la direction scientifique du professeur Pierre-Olivier Pineau, ce projet, d’une durée initiale de 24 mois, vise à évaluer la contribution potentielle de stratégies liées à l’économie circulaire dans la réduction des émissions industrielles de GES.
L’hypothèse de base est que le changement de paradigme proposé par l’économie circulaire peut mener à des réductions de GES substantielles pour le secteur industriel puisque, selon un rapport récent (Circle Economy, 2018), moins de 10% des flux de matières seraient présentement bouclés à l’échelle globale.
Il n’existe pas encore de définition consensuelle de l’économie circulaire à l’échelle, mais Le Pôle de concertation québécois sur l’économie circulaire, qui rassemble une quinzaine d’acteurs stratégiques, définit l’économie circulaire comme un « système de production, d’échange et de consommation visant à optimiser l’utilisation des ressources à toutes les étapes du cycle de vie d’un bien ou d’un service, dans une logique circulaire, tout en réduisant l’empreinte environnementale et en contribuant au bien-être des individus et des collectivités » (Institut EDDEC 2016).
Les synergies et les symbioses industrielles, le reconditionnement, l’économie de fonctionnalité et les filières de recyclage, sont quelques-unes des stratégies visant à opérationnaliser l’économie circulaire et qui pourrait mener à un impact positif sur la réduction des émissions industrielles de GES.
Le projet, financé par le Fonds de recherche du Québec – Nature et technologies (FRQNT), le Fonds de recherche du Québec – Société et culture (FRQSC) et le ministère de l’Économie, de la Science et de l’Innovation (MESI), s’attardera spécifiquement sur les grands émetteurs du secteur industriel (émissions annuelles supérieures à 10 000 tonnes d’équivalent CO2), et dans une certaine mesure aux émissions de l’industrie agricole (10% des émissions québécoises) et de celles de l’industrie de la gestion des déchets (6,4% des émissions québécoises).
Visant à alimenter la feuille de route du gouvernement du Québec sur l’économie circulaire présentement en cours d’élaboration, le projet s’attardera aussi, et cela de façon comparative, aux options traditionnelles de réduction des émissions (substitution énergétique, efficacité énergétique et amélioration/changement des procédés industriels), en mettant notamment l’accent sur l’analyse des déplacements potentiels d’impacts, via des analyses du cycle de vie (ACV).
Pour la collecte de données et la validation des résultats, l’équipe de chercheurs s’appuiera, entre autres, sur la collaboration de la Fédération des chambres de commerce du Québec (FCCQ), du Conseil Patronal de l’Environnement du Québec (CPEQ) et du Conseil du patronat du Québec (CPQ), qui ont également soutenu l’élaboration de la proposition de recherche.
À suivre !
(De gauche à droit) Pierre-Olivier Pineau, Ph.D. est professeur titulaire au département des sciences de la décision de HEC Montréal et titulaire de la Chaire de gestion du secteur de l’énergie. Daniel Normandin, M.Sc., MBA est co-fondateur et directeur exécutif de l’Institut de l’environnement, du développement durable et de l’économie circulaire du Campus de l’Université de Montréal
Communiquez avec Pierre-Olivier à pierre-olivier.pineau@hec.ca et avec Daniel à daniel.normandin@instituteddec.org
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